Maman quand je serais grande, je veux être James Brown !

 
Angélique Kidjo et l'orchestre Poly Rythmo @Alfred Kidjo



« Maman, quand je serais grande, je veux être James Brown ! »

Celle qui prononce ces paroles, c’est moi, une petite fille de 7 ou 8 ans qui danse à perdre haleine sous la paillote de la maison familiale. Nous sommes au Bénin, à Cotonou, en Afrique de l’Ouest à la fin des années soixante. Ce matin d’une main un peu tremblante, j’ai posé le diamant sur le sillon du vinyle que mes frères ont ramené hier soir à la maison. La musique qui s’échappe du pick-up est irrésistible. Je ne comprends rien aux paroles scandées par James Brown mais le rythme est hypnotique, il me rappelle les tambours de chez moi et la transe qu’ils provoquent. Je découvre aussi des sons inconnus, ceux de la basse, de la guitare électrique, des cuivres qui m’emportent dans un monde nouveau et merveilleux. Mes pas de danse effrénés soulèvent un nuage de poussière et j’entends bientôt la réponse amusée de ma mère :
“Angélique, arrête, ce n’est pas possible : Tu ne peux pas être James Brown !”
Je fronce les sourcils et je rumine ses paroles. Je recommence à fouiller parmi la collection de vinyles de mes frères et j’en extrais un autre album dont la pochette m’a attirée. On y voit une belle dame aux épaules nues et dont le sourire est à la fois timide et déterminé. Le rythme de sa musique est aussi soutenu que celui de James Brown mais sa voix est clairement africaine. C’est une voix qui porte en elle toute la beauté et la force de mon continent : C’est Mama Africa, Miriam Makeba qui chante « Pata Pata »
« Maman, quand je serais grande, je veux être Miriam Makeba ! »
Tous ces 33 tours diffusés massivement à partir des années d’Independance ouvrent une véritable fenêtre sur le monde pour l’Afrique de mon enfance. Nous y découvrons la Soul et la Salsa, toutes les musiques de la diaspora, et l’empreinte indélébile que l’Afrique y a imprimée à cause de l’esclavage.
Mais surtout nous y découvrons toutes les musiques de notre continent. Elles sont inspirées par nos traditions mais aussi influencées par la musique des Amériques ! C’est un va-et-vient incessant entre la musique cubaine et la rumba congolaise, entre le jazz et le hi life, le funk et l’afro beat… Tout en dévorant des yeux les magnifiques pochettes des 33 tours, j’apprends à reconnaitre les grandes voix de l’Afrique, un vrai panafricanisme musical : Franco, Tabou Ley Rochereau, Trio Majessi, Eboa Lotin, Manu Di Bango, Bailly Spinto, Bella Bellow, Francis Bebey…
Il est temps que je m’arrête : je ne peux pas les citer tous. Mais… c’est justement l’objet de l’ouvrage que vous avez entre vos mains !

Angélique Kidjo
Préface African Records – Fondation Zinsou

Commentaires